Une thèse qui ouvre de nombreuses pistes pour la survie du Grand hamster en Alsace
28 avril 2017Vendredi 28 avril 2017, après 3 ans d’études encadrées par les chercheurs Caroline Habold et Yves Handrich, Mathilde Tissier, doctorante à l’Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien et Université de Strasbourg, a soutenu sa thèse : « Evaluation de la qualité nutritionnelle de différentes cultures et établissement de dispositifs anti-prédation dans un cadre de restauration de l’habitat du Grand Hamster (Cricetus cricetus) et de reconnexion des populations. » Elle a été félicitée par le jury et a obtenu son doctorat. Retour sur son travail
La thèse s’articulait autour de deux objectifs :
1) Améliorer l’habitat du Grand hamster, sur la base d’un recensement exhaustif de l’existant, en expérimentant les pratiques agricoles les plus prometteuses et leurs effets sur la biologie de l’espèce. En effet, le modèle démographique de Leirs (2002) montre que seule une augmentation de son succès reproducteur permettra de stabiliser ses populations en Europe de l’Ouest de manière pérenne. Or, le succès reproducteur est conditionné par les apports alimentaires avant l’hibernation, mais aussi pendant la gestation et la lactation des femelles et la croissance des jeunes (Franceschini-Zink & Millesi, 2008).
2) Reconnecter les populations. Le morcellement de l’habitat du Grand hamster est lié à deux phénomènes différents : l’intensification d’une agriculture industrielle et la fragmentation inhérentes des zones favorables à sa survie (alimentation/prédation) ; l’urbanisation galopante et les infrastructures associées, augmentant plus encore le cloisonnement des populations. Afin de remédier à la forte densité d’infrastructures routières en Alsace, certaines d’entre elles ont été équipées de passages pour la faune sauvage, qui semblent être utilisés à la fois par les petits carnivores et par le Grand hamster. La fonctionnalité de ces passages peut être compromise s’il existe un risque renforcé de prédation au moment de leur traversée.
L’objectif et les approches de cette thèse étaient donc doubles :
- Le premier volet visait à expérimenter, en captivité ou semi-captivité quelles plantes permettraient au Grand hamster d’avoir une hibernation optimale et le meilleur succès reproducteur en fonction de la qualité des apports alimentaires disponible en milieu naturel, tout au cours de la réalisation du cycle reproductif.
- Le second volet de cette thèse consistait à évaluer l’efficacité des dispositifs anti-prédation lors du franchissement de passages à faune par les hamsters. Les dispositifs ont ensuite été testés en milieu semi-naturel et évalués via un suivi vidéo complet. En parallèle, des hamsters ont été relâchés dans un enclos afin de provoquer expérimentalement la rencontre avec différentes espèces de prédateurs (chat, renard, furet).
Au total ce sont onze études qui ont été réalisées durant ces 3 ans au sein du Projet LIFE Alister.
Le premier volet de l’étude concernant l’alimentation a permis de mettre en lumière la fonction essentielle du choix des plantations dans la lutte contre la disparition du Grand hamster. Alors que l’importance du couvert végétal dans les champs était apparue très vite comme un rempart contre la prédation, l’importance des apports nutritionnels ont pu être analysés et évalués par le travail de Mathilde Tissier. Le travail en laboratoire s’est enrichi des discussions avec les agriculteurs afin de tester des applications en champs. Cette phase est en effet essentielle pour déterminer la faisabilité des combinaisons de plantations ainsi que leur intérêt économique pour l’agriculture.
Actuellement plusieurs agriculteurs de la zone hamster testent des cultures combinées. Les associations étant a priori les plus favorables au Grand hamster sont le blé-soja, le maïs-tournesol et le maïs-radis.
Le deuxième volet et a permis de développer un système anti-prédation en forme de sous-tunnel en PVC, à installer dans les passages à faune. Ces tests ont mis en évidence la forme et le diamètre les plus adaptés au passage des hamsters (maximisant l’utilisation du dispositif) : un tube de forme arrondie (simulant les galeries du hamster), de 10cm de diamètre, avec des ouvertures latérales tous les mètres de chaque côté.
Ce système anti-prédation a été « breveté » par une publication méthodologique en 2016, dans la revue Ecological Engineering.
Les apports de cette thèse permettent d’ouvrir de nouvelles pistes sur la préservation du Grand hamster
La recherche agronomique appliquée sur la diversité agricole en relation avec les besoins du Grand hamster est actuellement en cours sur plusieurs parcelles de la zone hamsters et en particulier avec les agriculteurs de la CUMA de la Plaine. Les partenaires du LIFE Alister, dont la Chambre d’agriculture d’Alsace, suivent ces essais avec la plus grande attention. Les travaux de Mathilde Tissier seront poursuivis dans le cadre d’une autre thèse qui serait menée par Florian Kletty.
Concernant l’aménagement des passages à faune, la mise en œuvre des dispositifs est un outil de reconnexion des territoires du Grand hamster qui pourra être à disposition des collectivités locales.
Au nom de toute l’équipe du LIFE Alister, merci à Mathilde pour son travail et sa motivation ! Bonne continuation pour la suite de ses recherches.