Yves Handrich – Chercheur au CNRS depuis 1989 à Strasbourg (actuellement à l’IPHC*)
Yves Handrich est spécialisé dans l’écophysiologie, c’est-à-dire l’étude des interactions entre les contraintes internes des animaux (physiologie) et les contraintes liées à leur environnement : les conditions physiques du milieu de vie (par ex. la température) et biologique (par ex. la disponibilité des ressources alimentaires, les relations prédateur/proie).
Dites-nous, vous êtes un peu l’Indiana Jones du LIFE Alister, et je ne fais pas seulement référence au chapeau ?
Si vous voulez parler de mon goût pour la recherche combinée à l’aventure, je suis d’accord ! C’est vrai que j’aime associer voyages et expérimentation de terrain : mon activité m’a conduit à participer à plus de quinze missions polaires. Avant le Grand hamster, j’ai travaillé sur les manchots, notamment autour de questions de thermorégulation et d’adaptation à la plongée. Ces recherches ont impliqué de développer et utiliser des capteurs électroniques embarqués sur l’animal (des ‘loggers’), seul moyen de récolter pendant de longues périodes des données sur la faune sauvage sans les perturber. Je suis également devenu un spécialiste de l’implantation de ces loggers afin d’aborder des questions de physiologie (par ex. fréquence cardiaque, températures internes en plongée).
Qu’est-ce qui vous a fait travailler sur des animaux de notre région ?
Du fait de mon implication dans le tissu associatif régional (étant administrateur au GEPMA, autre partenaire du LIFE Alister), je me suis intéressé par exemple au blaireau, qui lui aussi souffre du fractionnement de son habitat en plaine agricole. C’est ainsi que je suis arrivé au Grand hamster et à la thématique de la reconnexion de leurs populations, un projet qui avait été conduit avec la DREAL qui souhaitait étudier l’efficacité des passages à faune souterrains. Dans le cadre du LIFE Alister, je travaille sur les actions C2 et D2, c’est à dire la reconnexion des populations et la minimisation des risques de prédation dans les passages à faune. Je suis le directeur de thèse de Mathilde Tissier, doctorante sur le projet : j’encadre ses recherches, l’aide à mettre en place les dispositifs de mesures et les protocoles (au laboratoire et in natura) et participe aussi aux actions terrain…. en rampant par exemple dans les passages à faune pour récupérer nos hamsters !
Qu’est-ce qui fait la particularité du LIFE Alister ?
Ce qui me plait vraiment, c’est cette approche concertée d’acteurs d’origines très différentes et qui veulent avancer ensemble sur les problèmes qui ont conduit à l’état actuel des populations de Grands hamsters en Alsace. Dans le contexte du LIFE, nous arrivons à défendre une approche complémentaire du Plan National d’Actions en faveur du Hamster, où l’on ne protège pas le hamster pour le hamster mais en l’utilisant comme étendard pour toute la petite faune. Nous défendons aussi l’hypothèse que la cause principale de réduction drastique des populations (en surface et densité) du Grand hamster, ce n’est pas la prédation mais surtout la capacité de l’espèce à se reproduire suffisamment dans notre paysage agricole alsacien. Néanmoins, l’extrême précarité des sous-populations sauvages encore présentes et leur isolement génétique nous invitent à améliorer de façon significative les dispositifs de reconnexion au niveau de nos grands axes de transport : il suffit de quelques échanges individuels par an pour redonner du sang neuf de part et d’autre d’une autoroute, mais quel gâchis si ces individus fondateurs étaient justement capturés par un renard dans ces infrastructures si coûteuses à multiplier.
*IPHC : Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien