(r)Évolution culturale

26 avril 2017
 

Une étude en laboratoire, menée par l’équipe du CNRS* dans le cadre du projet LIFE Alister, apporte un nouvel éclairage sur la problématique Grand hamster mais conforte également la nécessité de poursuivre les essais de pratiques agricoles innovantes réalisés en plein champs.

La tâche n’est pas facile : concilier rentabilité des activités agricoles, préservation du Grand hamster et de la petite faune des champs sur des territoires où l’agriculture tire profit de sols fertiles et profonds pour la production de céréales, betteraves, pommes de terre, chou à choucroute… permettant de faire vivre des familles d’agriculteurs sur des fermes de taille généralement réduite. Pour cela, les systèmes agricoles dans les zones hamster sont généralement optimisés pour garantir une production de qualité, et tout changement de pratique induit une prise de risque pour l’agriculteur qui sort des sentiers battus.

Sur cette zone, depuis 2013, des mesures agri-environnementales ont été mises en œuvre par 150 agriculteurs regroupés en association[1] sur une dizaine de territoires regroupant 2900 ha. Celles-ci ont permis de ramener la part de maïs dans l’assolement à moins de 50% des surfaces cultivées et d’atteindre environ 30% de cultures considérées comme favorables à l’espèce. Pour autant, les populations de hamster se sont stabilisées mais n’ont pas significativement augmenté pour l’instant. Cela renforce l’intérêt des essais en plein champ menés dans le cadre du projet LIFE Alister. Depuis 2014, une douzaine d’hectares cultivés dans les zones de protection du hamster est consacrée à ces essais. Ils sont menés en collaboration avec de nombreux agriculteurs, des structures de recherche agronomique et les partenaires du projet LIFE Alister, en s’inspirant des principes de l’agriculture de conservation des sols et de l’agroécologie.

 Quels seront les avantages d’un changement de pratiques pour le Grand hamster ?

L’objectif des pratiques culturales testées vise à améliorer la durée de couverture du sol entre deux cultures, et ainsi protéger davantage le hamster de ses prédateurs, mais aussi de diversifier l’offre alimentaire lui permettant une meilleure hibernation et une meilleure reproduction. Les études du CNRS indiquent qu’il doit avoir accès à différentes espèces de plantes. Cela peut se faire en améliorant la répartition des cultures dans l’espace, tel que réalisé dans le cadre des mesures agri-environnementales, mais aussi dans le temps en semant plusieurs espèces de plantes sur une même parcelle cultivée, soit simultanément, soit successivement. La réduction du travail du sol favorise aussi la présence des vers de terre dont raffole le hamster, qui est omnivore et consomme aussi des insectes.

Quelles sont les difficultés pour les agriculteurs ?

Depuis deux ans, différentes techniques agricoles sont testées par les agriculteurs engagés dans le programme LIFE Alister : réduction du travail du sol par le strip-till (travail du sol et semis en bandes uniquement) et le semis direct ; couverture semi-permanente du sol par des cultures associées et l’implantation précoce de CIPAN*… Ces techniques constituent une rupture par rapport aux pratiques conventionnelles et nécessitent généralement plusieurs années de pratique pour être maîtrisées. La compétition pour l’accès aux ressources (eau, lumière, nutriments du sol…) entre les cultures et les inter-cultures, la gestion des plantes adventices sans recours au labour et sans destruction des plantes d’inter-culture, le choix des espèces que l’on veut faire cohabiter, la gestion de certains ravageurs des cultures ou plantes adventices habituellement détruites par le labour… Les questions ne manquent pas et les références techniques sur ces sujets restent encore rares.

champs-focusLe strip-till : travail du sol et semis en bandes uniquement

poisble-focusEssai agronomique en zone hamster : pois semés dans le blé

Pour le maïs, la période critique se situe à la sortie d’hibernation du Grand hamster (en avril) jusqu’au moment où la plante tient un rôle de protection en couvrant le sol (en juin). Des essais cherchent par exemple à parvenir à récolter sans pertes importantes de rendement, du maïs semé au printemps dans un couvert déjà en place. C’est délicat car au stade précoce de son développement, le maïs est très sensible à la concurrence avec d’autres végétaux, et les outils qui peuvent permettre cela (tel que le strip-till) nécessitent de la pratique pour être maîtrisés. Pour les céréales à paille, les essais visent à implanter une interculture soit en même temps que le blé, soit plus tardivement dans la culture en place ou à défaut immédiatement après la moisson, pour qu’elle prenne le relais dès la moisson des céréales afin de couvrir le sol en été.

 Quels sont les bénéfices de ces pratiques pour la biodiversité, pour l’agriculture ?

D’un point de vue agronomique, la mise en place précoce de couverts qui peuvent profiter des longues journées d’été pour se développer et fabriquer de la biomasse, permet de produire de la matière organique, qui sera stockée dans le sol sous la forme d’humus, ou dégradée par les micro-organismes pour produire des nutriments assimilables par les cultures suivantes.

Une diversité d’espèces dans les couverts permet d’optimiser ces fonctions, tout en étant favorable à la petite faune des champs. Sur ce point, le réseau Agrifaune rassemblant l’ONCFS, la FNSEA, la Fédération des Chasseurs et les Chambres d’Agriculture recommande des couverts d’au moins 2 à 4 espèces (pour en savoir plus). Sur les parcelles innovantes de l’expérimentation LIFE Alister, le choix s’est porté sur un mélange de 26% d’avoine rude (graminée apportant une source d’énergie et de protéine pour l’élevage des dernières portées notamment), de 26% de trèfle violet et 26% de trèfle incarnat (légumineuses très appétentes pour le hamster, elles permettent également de fixer l’azotedans le sol, et résisteront à l’hiver), de 11% de tournesol (riche en acide linoléique, élément essentiel pour l’hibernation du hamster) ainsi que de 11% de nyger (plante résistante à la sécheresse, ce qui permet d’assurer un couvert en cas de forte chaleur).

tournesol-ocusLe tournesol est une plante riche en acide linoléique, élément essentiel pour l’hibernation du hamster

Par ailleurs, la réduction du travail du sol favorise généralement la présence de vers de terre, qui par leurs galeries vont brasser le sol et améliorer sa porosité et donc son aération et l’infiltration de l’eau, mais également la vie biologique en général (bactéries, champignons, collemboles…). Cela permet, entre autres, de réduire l’érosion des sols.

 

[1] Association AFSAL (Agriculteurs et Faune Sauvage Alsace)


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